Qui était Eugène Ionesco ?

Ses débuts : de la Roumanie à Paris, de Paris à la Roumanie

Alors qu’il n’était encore qu’un enfant, Eugène quitta la Roumanie et s’installa à Paris avec ses parents, car son père préparait un doctorat en droit. Cependant, très rapidement après son arrivée, la Roumanie entra en guerre contre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie et son père fut rappelé dans son pays d’origine pour rejoindre les rangs de l’armée roumaine. Après des années sans nouvelles, le père d’Eugène fut présumé décédé, alors qu’en réalité il avait divorcé et s’était remarié à Bucarest. La famille resta à Paris et la maman d’Eugène enchaîna divers métiers pour faire les siens. Après quelques temps, Eugène et sa sœur furent envoyés à la campagne pour vivre avec leur famille française éloignée. Après 15 années de bonheur, Eugène apprit que son père était encore en vie et il choisit de retourner avec sa sœur dans son pays natal, quitté depuis si longtemps. Au lieu de joyeuses retrouvailles, Ionesco subit le caractère traditionnel et la dure réprobation de son père envers sa passion pour la littérature : les deux hommes ne seront jamais proches. De 1928 à 1934, Ionesco acheva ses études à Bucarest, où il rencontra sa future femme, Rodica Burileanu. Ils se marièrent après qu’Eugène eut achevé ses études, puis il commença à exercer le métier de professeur de français, tout en écrivant des poèmes, des romans et des critiques littéraires.

INSTABILITÉ POLITIQUE ET RETOUR DIFFICILE À PARIS

Recevant une bourse prestigieuse, Ionesco décida de retourner à Paris pour achever son doctorat en poésie moderne, lui permettant de fuir une nouvelle fois la Roumanie alors que le pays s’enfonçait dans de nouveaux troubles intérieurs. D’origine roumaine et vivant en France durant la Seconde Guerre mondiale, Ionesco put échapper à la conscription roumaine et travailla en tant qu’attaché de presse de l’ambassade de Roumanie à Vichy, en France, où naquit son premier et unique enfant. Après la guerre, Ionesco perdit sa position prestigieuse de secrétaire et sa famille dut affronter une période financière difficile, au cours de laquelle il fut forcé de travailler comme éditeur local. Corriger les écrits des autres lui laissait peu de temps pour écrire lui-même, mais il ignorait qu’il avait un atout dans sa manche.

ENTRÉE DANS LE MONDE DU THÉÂTRE

En 1950, la vie de Ionesco prit une nouvelle tournure et pour le mieux : il reçut la nationalité française et sa première pièce, La cantatrice chauve, fut enfin jouée. La première fut loin d’être un succès, mais elle retint l’attention de quelques critiques de renom, qui allaient faire décoller sa carrière dans les années suivantes. Enchaînant rapidement avec La leçon et Jacques ou la Soumission, le style absurde unique des pièces de Ionesco le place rapidement au sommet du monde émergent des pièces du théâtre de l’absurde. Ionesco n’apprécia jamais que son œuvre soit classée dans « l’absurde », du moins il trouvait que cela réduisait une pièce à une simple catégorie. Au cours des années 1950, Ionesco continua d’écrire de nombreuses pièces de théâtre, lui permettant de vivre enfin de sa plume. En 1957, le Théâtre de la Huchette lui proposa de représenter deux de ses pièces, l’une après l’autre : La cantatrice chauve et La leçon qui sont depuis jouées sans interruption dans cette salle. Au cours des années 1960, les pièces de Ionesco acquirent une réputation internationale et nombre d’entre elles furent jouées sur des scènes européennes, à Londres, Berlin ou Düsseldorf par exemple et même en Roumanie.

FIN DE VIE ET HÉRITAGE

En 1970, invité par un ami de longue date et fervent admirateur de ses pièces, Jean Paulhan, Eugène Ionesco fut élevé au rang des immortels en rejoignant ceux de la prestigieuse Académie française, consécration ultime de ses écrits. À la fin des années 1970, Ionesco entra de son propre chef dans différents groupes politiques, attiré par leur nature absurde, se voyant affublé par inadvertance d’une étiquette de sympathisant pour la droite dure. Ionesco meurt en 1994 d’une infection, à 84 ans. Il fut enterré avec sa femme au cimetière de Montmartre dans sa ville d’adoption. Vous pouvez encore visiter sa tombe de nos jours.

Roi sans couronne du théâtre de l’absurde, Ionesco est l’un des plus grands dramaturges français du XXe siècle, aux côtés de Samuel Beckett. L’absurde de ses pièces cherchait généralement à moquer la société moderne, un peu à la manière des pièces de Molière, mais avec une approche totalement personnelle. Cette absurdité totale met en valeur la solitude et l’insignifiance de l’existence humaine. Il affirmait franchement son rejet du terme « absurde » auquel il préférait largement le qualificatif de « bizarre » ou d’ « inhabituel » pour désigner son travail, justifiant que le terme « absurde » évoque un non-sens, une incompréhension, tandis qu’ « inhabituel » se réfère plutôt à l’étrange et à l’inconnu. Alors qu’il est souvent réduit à être l’auteur de ses deux pièces les plus célèbres, la grande majorité de son œuvre est oubliée, de ses romans à ses essais politiques en passant par ses carnets de notes et ses autobiographies. Jusqu’à aujourd’hui, nous avons des difficultés à classer ses contributions, en tant qu’auteur de pièces classiques, dramaturge, critique littéraire, romancier… et la liste est encore longue.

Découvrez par vous-même le monde inhabituel d’Eugène Ionesco à travers ses deux pièces mondialement acclamées dans l’intimité du Théâtre de la Huchette au cœur du Quartier Latin. Depuis 1957, La cantatrice chauve et La leçon y ont été continuellement jouées, avec très peu de modifications à la mise en scène originelle. Vous pouvez choisir de voir uniquement un spectacle ou de voir les deux grâce à la soirée combinée Ionesco. Depuis plus de 60 ans, les pièces de Ionesco ont élu domicile au Théâtre de la Huchette, sans aucune intention de s’arrêter : une institution parisienne à elles seules.