- 21 mars 2025
- La scène parisienne
- Eric Battye
Traduit par Angela Spidahl
Rendre le théâtre accessible à tous
En France, la volonté de rendre le théâtre accessible à tous est un sujet très important qui a occupé et qui continue d’occuper encore les esprits de certains. Cet art a constamment dû s’adapter aux bouleversements politiques, aux périodes troublées de l’histoire, pour survivre et garantir ainsi que tout le monde – et pas seulement les classes supérieures – puisse avoir accès au sixième art.

Le Théâtre : une force révolutionnaire
Avant la Révolution française, le théâtre était un privilège réservé à la noblesse et à la bourgeoisie. Des lieux prestigieux comme la Comédie-Française étaient sous le patronage royal et leurs productions servaient principalement les intérêts de la monarchie. L’accès limité et le prix élevé des billets excluaient les classes populaires de ces espaces.
Cependant, après la Révolution, le théâtre a évolué pour devenir une véritable institution publique. Le Comité d’instruction publique a déclaré que le théâtre devait faire partie de l’éducation sociale, et le gouvernement révolutionnaire a commencé à financer le spectacle vivant, réduisant ainsi le prix des billets pour rendre les représentations accessibles au grand public.
Le gouvernement a également encouragé des pièces promouvant les valeurs républicaines, comme l’égalité, la justice et la responsabilité civile. Ainsi, le dramaturge Marie-Joseph Chénier a bénéficié du soutien de l’État pour ses drames patriotiques, notamment Charles IX et L’Innocence, qui furent une critique virulente de la monarchie et de pouvoir absolu.
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En temps de troubles
Cependant, l’esprit révolutionnaire n’a qu’un temps. À peine sept ans après l’instauration de la Première République, Napoléon Bonaparte s’est emparé du pouvoir et s’est couronné empereur.
Les années suivantes ont été marquées par une grande instabilité politique : Napoléon a été exilé en 1814, la monarchie a été restaurée. Il reprend brièvement le pouvoir en 1815 avant d’être vaincu à Waterloo. Après son second exil, la monarchie des Bourbons est rétablie, puis renversée seize ans plus tard par la Monarchie de Juillet, qui elle-même a été renversée par les Républicains, donnant naissance à la Deuxième République. Toutefois, cette république n’a duré que quatre ans avant que Louis-Napoléon Bonaparte, le neveu de Napoléon, n’accède au pouvoir.
Le théâtre, qui avait prospéré sous la Première République, a souffert de ces turbulences. Les pièces ont par la suite été interdites ou censurées en raison de leur critique du régime monarchique et des élans vers le changement social qu’elles semblaient inspirer. L’instabilité économique a également réduit le revenu disponible des classes populaires, obligeant les théâtres à dépendre d’un public plus aisé et à augmenter leurs tarifs pour survivre.

Le Premier théâtre du peuple
Après la défaite de Napoléon III lors de la guerre franco-prussienne, le Second Empire s’est effondré et la France est redevenue une république. Les inégalités économiques contribuèrent une fois de plus à faire du théâtre une activité réservée à l’élite. Un groupe d’écrivains et de dramaturges influents, dont Maurice Pottecher, Romain Rolland et Émile Zola, ont commencé alors à faire pression sur le gouvernement pour obtenir des financements afin de rendre le théâtre accessible aux classes populaires, avec le soutien de socialistes jaurésiens (partisans de Jaurès).
Face au refus du gouvernement, Maurice Pottecher décide de prendre les choses en main et fonde le Théâtre du Peuple à Bussang en 1895. Ce théâtre, situé dans les Vosges, possédait une scène en plein air où les spectateurs, debout dans un pré, assistaient aux représentations.
Maurice Pottecher considérait que le théâtre devait aussi bien servir à l’édification morale du public qu’à favoriser l’unité sociale. Il a donc maintenu des entrées à prix bas tout en garantissant des spectacles de grande qualité.

Une renaissance à l’après-guerre
La Première et la Seconde Guerre mondiales ont ravagé l’économie du pays, reléguant à nouveau le théâtre au second plan. Toutefois, l’esprit du Théâtre du Peuple a perduré, inspirant l’acteur et metteur en scène Jean Vilar qui a voulu faire renaître le théâtre populaire à partir de 1947. Son projet a été accepté par la municipalité d’Avignon, donnant lieu à la mise en scène de trois pièces – Richard II de Shakespeare, Tobie et Sara de Paul Claudel et La Terrasse de midi de Maurice Clavel – qui ont marqué la naissance du Festival d’Avignon.
Aujourd’hui, ce festival, qui a lieu tous les ans au mois de juillet, est l’un des événements culturels consacrés au théâtre les plus connus de France et accessibles à tous les publics.
En 1951, Jean Vilar élargit sa vision en fondant le Théâtre National Populaire (TNP), recrutant certains des meilleurs acteurs français, dont Gérard Philipe, Maria Casarès, Jeanne Moreau, Michel Bouquet et Alain Cuny.
L’œuvre de Vilar a inspiré d’autres initiatives, notamment celle de sa proche collaboratrice Sylvia Monfort, qui a ensuite fondé le Théâtre Sylvia Monfort (anciennement le Carré Thorigny) à Paris. Aujourd’hui encore, le Théâtre National Populaire et le Théâtre Sylvia Montfort poursuivent leur mission en maintenant des tarifs accessibles sur les entrées de spectacles, avec des réductions pour les publics défavorisés.
Le gouvernement rattrape son retard
En 1959, le gouvernement français répond à la demande des mouvements sociaux émergents et crée le ministère de la Culture, qui a introduit des aides et des subventions pour un large éventail de théâtres. Des institutions prestigieuses comme la Comédie-Française, autrefois difficilement accessible aux classes populaires, bénéficient désormais d’un financement public important. L’État commence également à financer des théâtres expérimentaux et plus petits, favorisant ainsi un paysage théâtral riche et diversifié.
À partir de 1990, la création des Scènes nationales (des structures culturelles publiques) vise à encourager le développement des arts vivants et offrir un espace aux artistes émergents, faciliter l’accès du plus grand nombre aux œuvres théâtrales, chorégraphiques, musicales et cinématographiques et à dynamiser les villes moyennes et petites en leur donnant une structure culturelle forte.
Le ministère de la Culture attribue ce label aux théâtres qui remplissent plusieurs missions telles que la programmation pluridisciplinaire de spectacles vivants, le soutien à la création artistique et des actions de médiation culturelle avec les publics. Ces structures reçoivent un financement mixte de l’État et des collectivités locales.
Les scènes nationales sont des outils de rayonnement artistique et garantissent une offre culturelle de qualité sur l’ensemble du territoire français.
Une nouvelle étape
Aujourd’hui, la principale barrière à laquelle se retrouve confronte les visiteurs étrangers pour l’accès au théâtre est linguistique.
La prochaine révolution, dans les salles de théâtre comme celles d’opéra, sera technologique. Les années 80 ont vu l’introduction du surtitrage à l’opéra permettant d’accroître l’intérêt du public pour des spectacles chantés en italien, en allemand ou en tchèque.
À l’heure où l’on vous parle, des salles (comme la Comédie-Française) ont choisi d’utiliser des lunettes connectées de surtitrage et de proposer ainsi des traductions en anglais, en français et en langue des signes française, sans perturber l’expérience des autres spectateurs.
On peut espérer qu’avec cette technologie de pointe, de plus en plus de spectateurs viendront goûter au plaisir du spectacle vivant et que Paris deviendra la ville dans laquelle il faut absolument avoir vu un spectacle, comme c’est déjà le cas de Londres et de New York. Paris compte environ 130 salles de théâtre. C’est tout dire !
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