- 8 octobre 2018
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- Rupert Comer
Vie du dramaturge autrichien Stefan Zweig
Auteur, dramaturge et biographe, Stefan Zweig est l’un des auteurs autrichiens les plus célèbres. Lire ses écrits c’est se plonger dans les extravagances de l’Europe des débuts du XXe siècle, une époque qu’il aimait et qu’il perdit avec la montée des nationalistes et les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Dans la force de l’âge, S. Zweig voyageait régulièrement à travers le vieux continent et son ami s’aperçut que quel que soit l’endroit où on le voyait, son attitude laissait suggérer qu’il avait une valise à moitié remplie dans la pièce d’à côté. Poursuivant incessamment une vie d’hédonisme et d’adultère, une grande partie de ses textes traitent du vice, de la honte et de la culpabilité. S. Zweig vivait les expériences des personnages de ses pièces et de ses nouvelles et c’est pourquoi son histoire est si passionnante.
Enfance
Né à Vienne en 1881 dans une famille aisée juive, S. Zweig étudia la philosophie et la littérature et publia son premier volume de poèmes alors qu’il était encore étudiant. Après ses études, il commença à voyager et intégra des cercles d’intellectuels, devenant amis avec des figures comme Sigmund Freud ou le poète belge Émile Verhaeren. Dans son autobiographie, S. Zweig nomma poétiquement cette période « Détours sur le chemin qui me ramène à moi », qui allait inspirer nombre de ses écrits futurs.
Première Guerre mondiale
La Première Guerre mondiale marqua profondément S. Zweig. Travaillant pour les archives de guerre autrichiennes, il fut choqué par les horreurs dont il était chargé. Ce traumatisme lui fit abandonner ses anciennes pensées patriotiques et il devint un fervent défenseur du pacifisme, promouvant les actions pacifiques dans sa pièce de théâtre Jeremiah (1917). Quelques temps après il écrivit Légende d’une vie, une pièce psychologique autour des relations familiales et d’un fils confronté de force à des secrets sur la vie de son père, aux résonances freudiennes, récemment jouée au Théâtre Montparnasse.
Légende d'une vie de Stefan Zweig, au Théâtre Montparnasse.
Stefan Zweig en exil
Au début des années 30, les écrits de S. Zweig commencèrent à être dénoncés puis interdits. Le national-socialisme refermait son emprise sur l’Autriche, grâce aux politiciens désireux de conclure une alliance avec l’Allemagne. En 1934, des policiers arrivèrent au domicile de S. Zweig et le fouillèrent à la recherche d’armes. À peine étaient-ils repartis que S. Zweig fit ses bagages pour Londres, notant dans ses mémoires que « derrière cet événement d’apparence anodine, je ressentis la gravité actuelle de la situation ». Durant son exil, de nombreux autres auteurs lui reprochèrent de ne pas dénoncer à haute voix le régime nazi. S. Zweig répugnait de faire face à la situation politique en Europe, espérant que s’il restait en dehors, il pourrait continuer son travail comme auparavant.
Casa Stefan Zweig, un musée dans la dernière demeure de l'écrivain au Brésil rendant hommage à sa vie.
Fuir une deuxième fois
Ce fut le choc causé par la chute de Paris aux mains de la Wehrmacht en 1940 qui poussa S. Zweig à pousser son exil et fuir le navire européen qui sombrait. Il partit donc de Londres pour New-York puis le Connecticut avant de finalement s’installer au Brésil, à Petrópolis, une ville où s’étaient réfugiés de nombreux allemands. Le désespoir grandissant devant le naufrage de l’Europe, dévastée par la guerre, S. Zweig et sa seconde épouse, Lotte, choisirent ensemble de se suicider en 1942, le jour qui suivit l’envoi de ses mémoires à ses éditeurs. Un travail qui allait inspirer le réalisateur Wes Anderson pour sa magnifique comédie, intitulée The Grand Budapest Hotel (2014).
La mort tragique de S. Zweig n’amoindrit en rien ses talents d’auteur et l’humanisme que son œuvre porte. Au contraire, il est rassurant de constater que ses écrits sont de plus en plus traduits, publiés et portés sur les planches des théâtres, en témoigne l’excellente pièce adaptée de Légende d’une vie au Théâtre Montparnasse en 2018.
Légende d'une vie de Stefan Zweig, au Théâtre Montparnasse.
Les ouvrages majeurs de Stefan Zweig
Le monde d’hier, l’autobiographie de S. Zweig, est l’un de ses écrits majeurs. Il y dépeint ses voyages à travers l’Europe, ponctue son récit d’anecdotes au sujet des intellectuels qu’il rencontra et nous montre l’évolution de l’Europe au cours de sa vie d’écrivain. Le désespoir de S. Zweig face à la montée du fascisme, qui allait mener le continent qu’il aimait à sa perte et à son anéantissement, peut être considéré comme le principal enjeu de son œuvre.
Le Joueur d’échecs est l’une des nombreuses nouvelles de S. Zweig et l’intrigue se déroule dans l’arrière-plan politique de l’Autriche occupée par les Nazis. Un prisonnier politique parvient à survivre aux interrogatoires et à son emprisonnement en apprenant par cœur des mouvements d’échecs. Plus tard, au cours d’une traversée sur un bateau, il replonge dans son passé et utilise ses talents pour affronter le champion du monde, ce qui entraîne chez lui d’étranges conséquences psychologiques.
La Pitié dangereuse est l’unique roman de S. Zweig et de loin son plus important travail de fiction. Il raconte l’histoire d’un jeune lieutenant qui avait promis, par pitié, d’épouser la jeune fille handicapée d’un riche hongrois. Avec une intrigue parfaitement menée, le roman met à nu les tensions qui gagnent en puissance en Europe, à l’aube de la Première Guerre mondiale et qui s’incarnent dans les différents personnages.